rencontre auteur du 14 01 17 avec Solveig le Coze

Dans le cadre des activités de l'association Aurore Etoilée je recevais Madame Solveig le Coze pour son dernier roman : Linand, la caverne des anciens

L'histoire avec un grand H nous fut rappelée par l'auteure qui a pris le temps de nous parler de la Résistance qui regroupait toutes religions et toutes les ethnies prêtes à défendre leurs valeurs contre Hitler. . Un moment d'enseignement qu'elle ne pouvait, et ne devait pas pas occulter puisqu'elle représente, en qualité de Présidente, l'association des Orphelins des Déportés victimes de la barbarie nazie. Puis elle nous promena dans les légendes celtiques, scandinave avec quelques haltes dans ses rêves nombreux.

 

Solveig le coze

ci-dessous de droite à gauche Madame Jocelyne Gautier, présidente de l'Association Aurore Etoilée. Madame Solveig le Coze et Robert Blée, vis-président de l'association Aurore Etoilée, auteur poète

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un public attentif et gourmand

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Présentation de l’auteur

 

Solveig Le Coze, bonjour.

 

Vous êtes née le 29 Septembre 1942 à PARIS XIème, et vous avez fait des études de psychologie puis vous vivez depuis 2000 en Bretagne, après une carrière parisienne dans un cabinet d’avocats.

Vous êtes la Présidente de l’association des Orphelins de déportés victimes de la barbarie nazie.

Après quelques années passées chez l’éditeur parisien « l’harmattan », et l’obtention de divers prix, vous vous lancez seule dans l’édition de vos propres livres sous le nom de «  Route du soleil éditions »

 

Vous écrivez depuis l’âge de 15 ans et le premier ouvrage s’intitule « Le loup les dents blanches…je répète » qui raconte la vie de vos parents pendant la Résistance en Touraine et en Bretagne. Je souligne que ce livre à obtenu le prix de la fondation de France en 1985 et celui du Conseil Général d’Ille et Vilaine en 2001, et que vous le lisez dans les collèges et les lycées, pour expliquer  aux enfants, en vue du Concours National de la Déportation et de la Résistance, le début de la Résistance.

 

Question :

Pourriez-vous nous présenter vos parents ?

Réponse :

Mon père est né le 28 Février 1921, décédé le 20 Septembre 1945. Engagé volontaire en 1939. Il fit les EOR et devint sous-officier dans la cavalerie à Saumur. C’est en tant que Lieutenant  qu’il participa à la « Drôle de guerre de Septembre 1939 au 10 Mai 1940) qui vit la défaite de la France. C’est alors qu’il entra dans la Résistance en 1941, au réseau Alliance de Paris, service renseignements et sabotages, et son nom de maquis fut « Le Loup ». Mon père était Chef-routier et très Catholique. Son ami était l’aumônier des Gitans.

Ma mère est née le 16 Juin 1921. Mes parents se marièrent lors d’une permission de Papa à Paris, où mes grands-parents et Maman habitaient. Elle insista pour combattre l’ennemi, à sa façon. Maman aidait à la fabrication de faux-papiers et autres documents. D’un culot monstre, elle ne reculait devant rien et riait à la barbe des Allemands. Elle n’était pas croyante du tout ! C’était « La Louve »

Vous pourrez les découvrir dans « Le Loup a les dents blanches…je répète ». Prix de la Fondation de France.

Question :

Pourriez-vous nous parler de votre association Les Orphelins des déportés victimes de la barbarie nazie ?

Réponse :

Notre Association a été créée dans les années 2000 à la suite du décret paru en Juillet 2000, donnant une indemnité pour les orphelins d’obédience juive, dont les parents ont été  victimes de la barbarie nazie. Un Breton de Tréguier,  M. Paul Roché a alors formé cette Association, comportant à l’époque plus de 400 adhérents de Bretagne, pensant avec raison, que les autres victimes de la barbarie nazie, d’autres confessions, avaient droit eux aussi à cette indemnité. Après multiples démarches, auprès de l’Ambassade de France en Allemagne, de Caen, puis des services de Matignon, puis des Tribunaux administratifs,  cette indemnité a été versée aux enfants dont les parents étaient morts en déportation ou morts de leurs souffrances, dans un périmètre ne devant pas dépasser 2 ans, et que les enfants soient mineurs au moment des faits. Cela nous mena jusqu’en Juillet 2004 où pour certains cette indemnité  fut versée. Mais c’est pour des raisons pas très claires que l’on a voulu distinguer les « morts au combat », contrairement aux recommandations de M. Philippe DECHARTRE, de Mme Simone  WEIL. Ils n’ont pas été reconnus dignes de figurer dans les décrets de Juillet 2000 et Juillet 2004. De rapports en rapports… rien depuis 2011.

La Résistance est un cas exceptionnel de notre Histoire, une action entreprise volontairement par des civils qui voulaient défendre la Liberté. Cette Résistance ne doit pas être banalisée ni divisée et les décrets de Juillet 2000 et Juillet 2004 auraient dû s’appliquer d’office aux Morts au combat, il n’y a pas de nuance dans la barbarie nazie. Nous sommes très attachés au respect de cette page glorieuse de notre Histoire écrite avec le sang de nos parents, cela ne peut pas être un « détail de l’Histoire »

Qui sont-ils ces « Morts au combat » ?

- Un résistant parmi d’autres, massacré de 33 coups de baïonnette

- Un résistant parmi d’autres, blessé à la cuisse, arrêté par une patrouille allemande, massacré à coups de pied et de crosse, une ½ heure plus tard, il agonisait encore.

- Un résistant parmi d’autres, les yeux crevés devant ses parents.

- Un résistant exécuté au lance-flamme.

- Un fermier qui cachait des résistants jeté dans le brasier de sa cheminée.

Les exemples sont nombreux et ce n’est pas considéré comme de la barbarie puisqu’il n’y a pas eu d’arrestation.

C’est pourquoi, nous nous battons et surtout pour le Devoir de Mémoire, car aujourd’hui il y a d’autres barbaries, il y a d’autres orphelins, mais il ne faut pas oublier.

Question :

Comment arrive-t-on de l’étude en psychologie, puis d’un métier de justice à celui d’écrivain ?  Ces divers pôles vous servent-ils à la construction de vos histoires ?

Réponse :

Etre  écrivain n’est pas un métier, mais c’est un don accompagné d’une passion.

 Je ne suis pas devenue « écrivain », après mes études, mais bien avant. Lorsque mon père a été assassiné par les nazis et que ma mère a perdu la raison, ce sont mes grands-parents qui nous ont élevées ma jeune sœur et moi. Je suis entrée à l’Ecole Jeanne de Valois tenue par les Dames de Lyon, religieuses et professeurs à la fois. Etant la fille d’un héros, mon enfance a été bercée par ses exploits et surtout par ses compagnons de la Résistance qui voyaient en mon père : « Ce héros mort bien trop jeune ». J’étais une petite fille triste, alors la directrice de l’école Mme Bressot de Montvallon m’a prise sous sa coupe, m’a poussée à écrire en voyant mes rédactions françaises, dont la plupart ont été envoyées à l’Ecole Normale Supérieure. C’est ainsi que j’ai commencé à écrire secondée par cette grande dame. « Mon poteau indicateur » comme elle disait.  C’est à l’âge de 15 ans que j’ai écrit mon premier manuscrit « ils avaient 20 ans en 1942 ». Puis, je l’ai repris plus tard avec moins de haine au ventre et plus de documents. Ayant eu la 1ère partie du Baccalauréat  à 15 ans et la 2ème à 16 ans, il fallait bien que je poursuive des études. C’est ainsi que j’ai choisi la Psychologie, mais toujours trop jeune. Le Ministère de la Justice m’ayant dit à l’époque « qu’il fallait que je revienne plus tard, avec un chignon et des lunettes… » . Alors j’ai fait de la cascade pour le cinéma, puis j’ai été Hôtesse de l’air, puis quand mes ailes furent coupées, par la naissance de mon, fils, je suis entrée enfin dans un cabinet d’avocats en tant que Collaboratrice et cela a duré 25 ans…

Question :

Comment une petite fille de 15 ans se construit-elle, dans l’imaginaire, pour devenir une personne adulte les pieds sur terre mais la tête pleine de rêves ?

Réponse :

Je me suis d’abord construite dans la réalité, la plus cruelle, être privée de parents, même en ayant des grands-parents merveilleux. Puis une nuit, que je téléphonais en rêve à Papa, pour lui dire tout mon manque, je me suis aperçue que d’autres visages se substituaient au sien, des visages venus d’un autre temps, mais paraissant bien réels. Alors j’ai fouillé l’Imaginaire et  j’ai trouvé tellement de ressemblance, que j’ai recherché mes ancêtres. Je continuais à écrire tout et n’importe quoi, un cahier personnel où je notais mes indignations et mes émois, des poèmes, rarement avec des fleurs et des petits oiseaux, mais avec l’atrocité des guerres, de mes premiers amours, de mes discussions avec l’ami de papa, aumônier des Gitans.

 

 

Bibliographie

 

En 1985, reprenant tous les textes déjà écrits depuis plusieurs années, vous publiez « Pensées jetées au vent » chez  « Editions des écrivains », ainsi que « Contes et Nouvelles ».

C’est également en 1985 qu’est paru : « Ils avaient 20 ans en 1942 », Prix de la Fondation de France, Editions L’Harmattan.

Quelques années plus tard, en Bretagne, vous reprenez ce livre avec moins de haine et plus de témoignage et ce fut «  Le Loup à les dents blanches… » Témoignage romancé paru en 2000 aux éditions Route du Soleil.

Votre second livre fut : « La Petite fille aux orties » paru en 1985 aux Editions l’Harmattan. Le début de l’histoire est la vôtre contée par votre petite fille, qui a hérité d’une maison mystérieuse construite par votre grand-père à Choisy le Roi en banlieue parisienne, mystères qui vont la conduire jusqu’en Bretagne. Repris sous le titre : Linad- La petite fille aux orties, en 2012 aux Editions Route du Soleil.

Vous avez  quitté L’Harmattan en arrivant en Bretagne et vous naviguez en solitaire sous les Editions Route du Soleil qui n’est autre que la traduction de Solveig en Norvégien. 

En 2010, Che Chorobia, « Comme c’est étrange » en langue Romanie,  roman noir.  Dérives sectaires et traditions gitanes se côtoient pour retrouver une jeune femme disparue. Histoire vraie, paru aux éditions  Route du Soleil.

En 2010, également reprise de « Mots pour maux » paru aux Editions L’Harmattan, sous le titre « Tant qu’il y aura des mots » aux Editions Route du Soleil. Recueil de nouvelles et de poèmes primés au cours de votre vie.

En 2012, « Le Vieux Chêne de Merville », est une recherche généalogique, une biographie,  écrit sous forme de roman qui relate la vie d’un aventurier breton en partant de deux familles avant 1900, l’une est Tourangelle et l’autre Bretonne. C’est une traversée du XXème siècle, de Lorient à l’Extrême Orient en passant par les goulags jusqu’en Chine, Paru aux éditions  Route du Soleil, récompensé en octobre 2012 par la médaille d’argent du prix Pierre Jakez Hélias.

En 2014 un album jeunesse- livre objet ; « Petit Kohz, un bateau pas comme les autres »  aux Armoricaines éditions. Epuisé à l’heure actuelle.

Les Linad

- Linad- La petite fille aux orties, qu’on peut lire seul, puisqu’il se passe à notre époque.

Puis c’est une remontée dans le temps et l’espace avec une Saga à trame historique, entre celtes et scandinaves : 3 tomes qui nous entraine dans un univers où l’Histoire et les légendes se mélangent,  des années 500, en passant plus tard par les croisades de St Louis, en Egypte L’œuvre se compose ainsi :

-Linad  -le temps des druides et des dieux, où l’arrivée des Scandinaves ou Varègues  devant l’Ile de Groix où vous vivez actuellement :  2012 – Ed. Route du Soleil

-Linad et les loups, 2ème partie : le temps des Cathédrales, des Vikings, de la sorcellerie, du Haut Moyen-Âge, en 2012, mais aussi de la construction des cathédrales. Ed. Route du Soleil 

-Linad et Satan. 3ème partie : le temps du secret. Les Normands. 2013 : Route du Soleil Editions. 

Et

-Linad, La caverne des anciens- le temps de la sagesse, paru en 2016 chez : Route du Soleil éditions. Nous reviendrons longuement sur ce dernier qui fera l’objet de notre entretien.

 

Dans votre bibliographie on peut s’apercevoir que vous touchez divers sujet. Vous passez du roman noir à la saga fantastique mais en faisant une pause sur un tout autre registre littéraire qu’est la poésie. Je ne peux pas faire autrement que de m’arrêter un instant sur ce sujet qui pour moi me parle.

Etre poète à mon sens c’est de mettre la sensibilité au cœur des mots pour en faire jaillir la beauté des choses mais aussi et surtout transmettre des messages forts en prenant souvent position pour des causes justes et hélas incomprises ou occultées trop souvent. Comme le disait le poète Yves Cosson dans prose pour les errants : « sans feu ni lieu ! Sans fois ni loi réplique les hypocrites. Sans cave ni grenier, ni sans toit, ni porte, sans chaise ni table, sans lit et sans fenêtre, sans rien ! Mais comment vivre ? J’écris pour tous les sans-logis, les va-nu-pieds, les trimardeurs, les vagabonds, les traine savates, les chemineaux, les clodos pour tous les Benoîts Labre. Il y avait naguère, toujours jadis, la part du pauvre, l’écuelle au bas bout de la table, la porte ouverte, la paille pour l’étranger…

(Benoîts Labre né le 26 mars 1748 à Amettes, qui appartenait au diocèse de Boulogne-en-Artois, décédé le 16 avril 1783 à Rome. C’était un pèlerin mendiant français qui avait parcouru en son temps les routes d'Europe. Il était surnommé le « Vagabond de Dieu ») 

Question :

Pour vous qu’est-ce un poète ? Quels sont les messages que vous véhiculez dans votre recueil : Tant qu’il y aura des mots ?

Réponse :

Mon intention n’est pas de véhiculer un message, mais de m’indigner, de crier mon désespoir sur la bêtise humaine, avec des mots qui me viennent du cœur, des tripes.  Je me suis rendu compte en écoutant la radio, en regardant les journaux, que chacun porte sa croix, mais qu’heureusement, il se trouve quelqu’un qui tend la main, et que non, nous ne sommes pas définitivement seuls. Pour moi, le poème est un cri du cœur,  quelque chose de très intime. Que ce soit la beauté d’un coucher de soleil ou le sourire d’un enfant, le poète peut le dire c’est son moi intérieur qui ne correspondra peut-être pas au mien. Pour ma part, j’écris en observant les choses de chaque jour, le malheur et le bonheur, les joies et les peines, les mots prononcés et les phrases non dites, les « on », les « parce que ». J’aime écrire et lorsque j’ai envie de crier parce que j’ai trop mal du mal des autres, j’écris et cela donne des cris de révolte. J’ai beaucoup souffert mais je n’en veux à personne. Mais je le dis, je n’écris pas sur les murs de la ville, mais si je l’osais…Dieu que je serais heureuse !

Question :

Pourriez-vous nous lire un ou deux texte de cet ouvrage et nous dire le pourquoi de votre ou de vos choix ?

Réponse :

 "Oubli de l’oubli" page31 pour montrer la différence dans mes écrits : « Ma terre » paru dans un recueil de 1985 qui n’est plus édité.

 

 Je ne sais plus quoi faire.

 

Les vaches sont rentrées, le blé est semé

La soupe chauffe, les enfants sont couchés

Je ne sais plus quoi faire…

« Je ne m’ennuie pas, non je rêve

J’ai remué la terre toute la journée

J’aime la terre, c’est ma grève

Mon salut, mon retour, ma trêve.

Elle est lourde, elle est noire

Elle est légère, elle est verdoyante

Elle est promesse, elle est espoir

Elle est tristesse, elle désenchante

J’ai écouté le vent, j’ai regardé la lune

J’ai écouté le savoir des vieux

Tout ça pour ma terre brune

Tout ça pour la nourrir mieux

Je ne sais plus quoi faire…

Mes reins sont fourbus, ma peau desséchée

Mes ongles noirs, mes pieds éclatés

Je suis près du feu, à ne rien faire

J’attends, j’attends mon homme, mon chêne

Mon amour et son odeur à lui

J’attends mon homme, mes chaînes

Ma raison d’être à lui.

Je jouis de la terre, comme je jouis de lui.

Mes pieds s’enfoncent dans la terre

Mes yeux ne se lèvent que sur lui.

Et je me fais enchanteresse comme ma terre

Je pourrais prendre un tricot, une dentelle

Je n’en ai pas envie ce soir, je suis bien

Je pense à lui, à nous, en regardant la chandelle

Je vais le voir entrer, heureux, se frottant les mains

Une bonne journée, encore un jour heureux

De bonnes semailles, de bonnes récoltes

Une belle femme, un sourire au fond des yeux

Et le ventre rond, promesse d’une autre récolte.

Il ne dira rien, il n’est pas bavard.

Les paroles sont légères, elles ne font que passer

Il suffira de ses bras, de son regard

Pour que j’oublie la fatigue de la journée

Puis au coin du feu, nous parlerons d’elle

Parce qu’en fin de compte, il n’y a qu’Elle

L’horloge égrènera ses notes démentielles

Pour nous dire qu’un jour, un soir, sans savoir

Il faudra fermer le livre, arrêter l’histoire

Qu’il sera temps de s’endormir…en Elle. (Janvier 1985)

 

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