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M’man

M’man

 

Je ne suis pas beau M’man !

Je ne suis pas beau ni en dedans, ni en dehors. Je suis transparent m’man !

Les tourments ont marqué ma peau de leurs griffes acérées. Ils ont creusé des rides profondes pour dessiner des marques d’andins, non stabilisés, à la surface de mes mains esseulées.

Alors comme elles, depuis, je glisse peu à peu au fond de mes poches, que mes yeux soutiennent.

Mal à vie, souvent je survis, pour ne pas sombrer dans l’oubli. Dans ces moments de transe je vois mon dedans. J'aperçois mon âme cabossée qu’un couvercle déformé ne peut fermer. Il en déborde tant de choses qui n’ont pu y entrer. Tant d’arêtes franches, tranchantes comme des silex de granit dépoli me poussent au bord du monde.

Je ne suis pas beau ni en dedans, ni en dehors. Je suis transparent m’man !

Pourtant m’man je suis devenu grand !

Je n’ai jamais su regarder par le dessous, car je voulais voir de haut. Du haut des tours des barres de HLM, où petit je voyais se poser les hirondelles en couple. Mais chaque fois un nuage les bousculait et trop souvent, je les ai vues tomber au pied des murs non achevés. Trop souvent, Je les ai vues agoniser dans les terrains vagues où tu n’aimais pas me savoir aller.

Mais j’y rôde toujours !

La zone, la rue, je les ai connues m’man !

J’ai tant croisé de trottoirs trempés de la fonte des neiges grisâtres, de réverbères aux lumières froides, de portes verrouillées, humides des peurs d’un lendemain sans chemin.

Alors… mes bottes que je ne porte plus, shootent encore dans les poubelles vides.

M’man t’es partie trop vite !

Tu sais ; je ne sais pas grand-chose de la vie, car tu ne m’as presque rien laissé. Juste l’espoir de devenir un homme, forgé des valeurs que tu lui as transmises. Si peu, pense-t-on ! J’en ai fait mon tout.

Mais je ne suis pas beau m’man !

Je ne suis pas beau ni en dedans, ni en dehors. Je suis transparent m’man !

Caché, enfermé, j’écris, je délire, je soupire, je vis, j’oublie !

J’oublie les toits des HLM, les hirondelles en couples, les aigles aux ailes brûlées qui dorment dans la chaleur de mon cœur dont le couvercle ne peut emprisonner.

M’man…  Je n’ai pas choisi d’être ni beau en dedans, ni en dehors.

Je n’ai pas choisi d’être transparent m’man, Mais je suis devenu grand avec la sagesse d’un enfant.

 

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